Historiens de garde et polémique « Lorànt Deutsch » : un bilan médiatique et politique

Cette nouvelle rentrée a été très chargée sur le plan médiatique pour nos historiens de garde. Évidemment, la sortie du nouvel opus de Lorànt Deutsch, Hexagone (Michel Lafon), a accaparé une bonne part de l’attention, mais il ne faut pas oublier qu’elle venait après celle du Lavisse augmenté de Dimitri Casali (Armand Colin), et en même temps que le nouveau Jean Sévillia, Une histoire passionnée de la France (Perrin). Cette offensive a d’abord été menée de concert entre historiens de garde, Deutsch partageant une interview avec Jean Sévillia dans le Figaro, Dimitri Casali étant invité par Franck Ferrand et Stéphane Bern, qui offrira également tribune au comédien. Plus intéressant encore, la réception médiatique de ces livres, et surtout la façon avec laquelle les principaux médias ont relayé et commenté les critiques contre les historiens de garde, notamment la polémique sur Lorànt Deutsch et sa façon de présenter la bataille de Poitiers. Où l’on a vu un fort contraste entre internet et les mass médias.

SOLIDARITÉ ENTRE HISTORIENS DE GARDE

Nous avons développé précédemment la façon avec laquelle les historiens de garde se sont soutenus mutuellement en septembre, à l’occasion de la sortie du dernier Dimitri Casali, puis avec les contrevérités d’un Franck Ferrand ou d’un Stéphane Bern sur les allégements des programmes d’histoire.

Cette complicité s’est logiquement confirmée avec la sortie du livre de Lorànt Deutsch, Hexagone. S’il n’a pas été (encore) invité chez Franck Ferrand, le comédien a eu en revanche l’oreille et les compliments de Stéphane Bern (« À la bonne heure », RTL, 3 octobre 2013), tutoiements à l’appui, et soutien entre royalistes affirmé.

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Le groupe Figaro a continué sa promotion de l’histoire de garde, d’abord en offrant une interview croisée entre Lorànt Deutsch et Jean Sévillia, avec pour cible principale l’enseignement de l’histoire, puis par un éloge du journaliste dans les pages du Figaro Histoire. Le comédien a lui aussi eu les honneurs, seul, du journal de Dassault, par une interview (27 septembre), puis par une carte interactive (11 octobre).

Franck Ferrand, à son tour, a apporté son soutien à Lorànt Deutsch au sujet de la bataille de Poitiers, affirmant :

Entre Nasr E. Boutamina qui affirme que la bataille n’est qu’un mythe, et Lorànt Deutsch qui défend sa réalité, tout en relativisant ses conséquences [NDA : notons que jamais le comédien ne « relativise » les conséquences de la bataille, bien au contraire], j’aurais tendance, pour ma part, à pencher du côté du second1.

En revanche, Lorànt Deutsch ne s’attendait pas forcément à avoir le soutien d’un autre historien de garde que nous évoquons dans notre livre, Éric Zemmour. Répondant au journaliste Laurent Bazin, qui lui demande « A qui la faute de la montée du FN ? », l’éditorialiste plaint « le pauvre Lorànt Deutsch » au bout d’une tirade dont il a le secret, et qui n’a rien d’anodine :

Les journaux cachent désormais les patronymes des délinquants […] D’autres professionnels patentés des droits de l’Homme expliquent doctement que c’est la faute au 11 septembre, et des historiens mettent au pilori le pauvre Lorànt Deutsch qui dans son dernier livre décrit la bataille de Poitiers en 732 avec des Sarrasins pillards et massacreurs. Il est bien connu que l’Islam a conquis alors la moitié de la planète (sic) en jetant des roses sur les populations énamourées2.

Que les historiens de garde se soutiennent et s’invitent les uns les autres n’est pas une surprise. En revanche, difficile de ne pas s’inquiéter de la façon avec laquelle les autres médias, et plus particulièrement la télévision et la radio, ont commenté la polémique sur la bataille de Poitiers, et donné à Lorànt Deutsch une tribune ouverte sans quasiment aucun avis contradictoire.

L’OFFENSIVE MÉDIATIQUE DE LORÀNT DEUTSCH

L’offensive médiatique de Lorànt Deutsch était programmée, et il est permis de penser que, sans « l’affaire bataille de Poitiers », le comédien aurait une nouvelle fois pu dérouler son discours sans aucune relance ou question gênante. Dans les deux semaines suivant la sortie de Hexagone, seul internet a accueilli les critiques du livre de l’acteur à travers une tribune dans le Huffington Post, un article de fond sur notre site (prolongeant seulement le papier paru sur le Huff), et une interview sur Bibliobs ont été publiés. Le comédien, lui, a pu faire la promotion de son livre, et asséner ses mensonges (notamment sur le prétendu engagement politique de ceux qui le critiquent) sur une batterie impressionnante de médias : Le Figaro, France Info, France Inter, RTL, Europe 1, France 5, France 2, Canal Plus, sans parler de la dépêche AFP reproduisant son discours qui a fait le tour des sites internet des journaux comme Le Point ou L’Express. Il a été également ouvertement défendu par des médias internet, comme les sites Atlantico.fr, Causeur.fr, et le très droitier Bdvoltaire.fr ou dans les pages du journal Valeurs Actuelles. Le site du magazine Historia s’est même fendu d’un curieux article (signé Vincent Mottez), qui prétendait chercher les erreurs reprochées à Deutsch dans Hexagone, alors que cela n’est en rien le fond des critiques…

"Le Decaux rigolo". Le sous-titre est là pour rendre sympathique L. Deutsch et son discours.
« Le Decaux rigolo ». Le sous-titre est là pour rendre sympathique L. Deutsch et son discours.

LES CHIENS DE GARDE À LA RESCOUSSE DE L’HISTORIEN DE GARDE

Nous avons pu assister à une sorte de remake de ce que nous avions remarqué en avril dernier, quand Lorànt Deutsch avait pu bénéficier de l’accueil complice de Maïtena Biraben sur Canal Plus. Mais en bien plus massif.

Lorànt Deutsch a globalement choisi quatre stratégies pour répondre :

  • Affirmer que ceux qui le critiquent sont une poignée de militants politiques encartés au Front de Gauche, manipulés ou envoyés par Alexis Corbière. Ils sont aussi jaloux et veulent se faire connaître.
  • Continuer à jouer sur la confusion conteur/historien/relais d’historiens, tout en affirmant son amour de la France et son impératif de transmission de l’histoire.
  • Refuser de se présenter comme militant ou idéologue, tout en faisant régulièrement l’apologie de la monarchie, défendant une vision de l’histoire de France qui n’a rien de « neutre ».
  • Une façon ambiguë d’assumer son point de vue sur la bataille de Poitiers, se réfugiant derrière « des historiens » (un en fait, Jean Deviosse, dont il simplifie la thèse), tout en déclarant qu’on ne le critique que sur une page du livre (seize en fait, en attendant la suite).

Pour dérouler son discours, Lorànt Deutsch a une méthode bien à lui : il assomme son interlocuteur de son débit rapide (censé montrer sa « passion »), n’hésite pas à dire tout et son contraire dans la même phrase (voire à nier des choses qu’il affirme dans son livre) ou d’une émission à l’autre, tout en distillant ses vérités de façon régulière. Une impression de confusion, trompeuse au final. Car l’essentiel est là, il a fait passer ce qu’il voulait dire, sur ceux qui l’attaquent tout comme sur sa vision de l’histoire et de la France.

Il peut compter pour cela sur certains journalistes ou animateurs, passifs, maladroits, quand ils ne sont pas carrément complices. Et qui parfois le défendent sans même l’inviter, empruntant ses arguments mot pour mot3. Aucun, par exemple, ne lui a demandé d’où sortait-il l’information selon laquelle les historiens qui l’attaquent sont d’extrême gauche. Aucun n’est venu vérifier auprès des intéressés. Quand, dans une émission, il se dit « historien », mais pas « universitaire » (et l’on sait le mépris qu’il a des universitaires, sauf évidemment pour les prendre comme caution quand ça l’arrange), et dans l’autre il affirme au contraire qu’il n’est « pas historien », mais « conteur », aucun journaliste ou animateur n’est là pour pointer la contradiction et lui demander un éclaircissement. Quand il refuse d’être montré comme un militant royaliste, mais qu’il enchaîne par une apologie des plus grandes démocraties européennes, « comme par hasard toutes des monarchies constitutionnelles », il n’a face à lui que sourires béats. Enfin, alors qu’il prétend parler de la bataille de Poitiers dans une seule page de son livre, et s’appuyer sur des travaux d’historiens, on cherche les précisions des animateurs (seulement une page ? Quels historiens ?), et les relances sur son adhésion à la théorie du choc des civilisations (qu’il nie sur France 2…). Évidemment, ne demandons pas à ces grands professionnels de relever les énormités historiques qu’il enchaîne à chaque émission, comme récemment l’origine du mot sans-culotte ou « Tours et Poitiers phares de la religion chrétienne » chez Ardisson sur Canal Plus, après le non moins fameux « Clovis athée » d’avril 2012 sur France Inter

Trois émissions ont été symptomatiques de ce traitement biaisé. Sur France 5 (chaine de la version télévisée du Métronome, ceci expliquant peut-être cela), dans le « C à vous » d’Anne-Sophie Lapix, ancienne journaliste devenue animatrice people ; sur France Info ensuite, chez Bernard Thomasson, où nous avons eu droit de poser une question (mais relayée, mal, par l’animateur), à laquelle Deutsch n’a pas répondu, sans que l’animateur ne le relance ; enfin, sur France 2, chez Laurent Ruquier, probablement l’épisode le plus éclatant de cette collusion entre chiens et historiens de garde. Nous renvoyons au remarquable article de Damien Boone sur Médiapart pour une analyse complète de l’émission, mais pour résumer on peut dire que les rôles ont été bien tenus : Natacha Polony a logiquement soutenu le comédien, malgré quelques réserves ; Aymeric Caron l’a assez vertement critiqué, mais avec un manque flagrant de munitions ; quant à Laurent Ruquier, il a fait preuve d’une complicité people que même Maïtena Biraben n’avait pas osée !

INTERNET, LES GUIGNOLS… QUELQUES ESPACES CRITIQUES

Le contraste a été flagrant dans le traitement de cette polémique entre les mass médias (télévision, y compris voire surtout publique, et principales radios) et internet. C’est en effet sur le web, et particulièrement sur les réseaux sociaux, que les articles critiques ont énormément circulé, avec le lot habituel de trolls et de tweets outranciers bien entendu. C’est aussi sur le net que les soutiens politiques à Deutsch, notamment ceux venant des Identitaires et de l’extrême droite, ont été le plus clairement affirmés. Reste qu’il est bien difficile de jauger l’impact réel d’internet sur le grand public, surtout en comparaison avec la télévision, et dans une moindre mesure la radio. Le web reste probablement une niche (en désordre qui plus est), quoi qu’on en dise, et si la télévision y puise certains de ses sujets, en particulier les polémiques, elle les passe au tamis pour le plus souvent purger ce qui pourrait menacer le discours dominant. Et c’est elle qui continue de toucher le plus grand nombre. Notons tout de même l’excellent reportage de France 3 Poitou-Charentes, qui a donné la parole à un historien local critiquant Deutsch, et fait le parallèle avec l’occupation de la mosquée de la ville par les Identitaires…

Quelques relais aux critiques sont cependant passés çà et là, permettant de sortir de l’omniprésence du discours unique de Deutsch et des autres historiens de garde. En premier lieu, sur France Culture, dans « La Fabrique de l’Histoire », et au « Grain à Moudre », où Aurore Chéry a pu s’exprimer, certes face à un historien de garde, Jean Sévillia, bien timide et loin d’assumer ses écrits ce jour-là. Sur France Inter, Guillaume Erner n’a pas invité d’historien pour parler de vulgarisation de l’histoire (Lorànt Deutsch aurait semble-t-il refusé de se retrouver face à certains d’entre eux…), mais le comédien a dû faire face à un François Reynaert sans aucune complaisance à son égard. Sur la radio Le Mouv’, au tout début de la polémique, l’animateur Thomas Rozec s’est fendu d’un édito assez cinglant et ironique.

Parmi les journaux, on peut citer Les Inrocks, ou Télérama, jusque-là hors de la polémique, qui a publié un décadrage peu aimable envers le comédien, même s’il relativise la pertinence des critiques à son égard. Le magazine Marianne a également critiqué l’angle choisi par Deutsch dans son livre. Et des journaux locaux (comme L’indépendant) ont dénoncé la façon avec laquelle le comédien traite de la bataille de Poitiers.

Enfin, et cela n’a certainement rien d’anodin, « Les Guignols de l’Info » se sont intéressés à cette histoire. Déjà, au printemps dernier, ils avaient diffusé quelques sketches se moquant du tout commercial de Métronome (le GPS Métronome, le Monopoly Métronome,…) et du côté « vieux jeune » de Deutsch. Ils ont franchi un cap avec « L’histoire par un Nul : 2000 d’archives revisitées en 2 jours d’écriture », sketch décliné plusieurs fois (et ce n’est sûrement pas fini).

Le bilan médiatique de cette rentrée des historiens de garde pourrait donc se résumer ainsi : ils gardent leur puissance de feu médiatique grâce aux chiens de garde, en tenant toujours l’essentiel des mass médias. Mais, quand on parvient à déclencher un contre-feu plutôt que de rester spectateur ou de refuser d’entrer dans le jeu médiatique, le relais se fait, principalement sur internet, et parvient peu à peu à infuser. Il est encore trop tôt, cependant, pour savoir quel sera le véritable impact de cette polémique. Et Hexagone sera certainement l’un des livres les plus offerts durant les fêtes, une fois de plus. Les gens en sauront en revanche un peu plus sur la nature de son propos et sur les buts de son auteur.

LES SOUTIENS POLITIQUES : UN PEU PLUS LOIN SUR LA DROITE

Du côté des politiques, les plus en vue qui avait soutenu Lorànt Deutsch et son Métronome, comme Bertrand Delanoë ou Robert Hue, se sont montré discrets. Seuls se sont exprimés, tout comme lors de la polémique de juillet 2012 à la mairie de Paris, nombres de groupes d’extrême droite, et non des moindres, pour défendre le contenu d’Hexagone.

C’est sur twitter que les soutiens se sont affichés le plus clairement. Ainsi, Fabrice Robert, président du Bloc Identitaire jadis condamné pour négationnisme, s’est-il changé en véritable VRP d’Hexagone dès sa sortie, le 30 septembre 2013, en déclarant : « Les biens-pensants ne l’aiment pas. Procurez-vous vite Hexagone, le dernier livre de Lorànt Deutsch. »

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Propos immédiatement repris par Guillaume Delefosse, responsable local cannois du Bloc Identitaire, preuve que le soutien au livre de Lorànt Deutsch n’est pas la lubie d’un membre, mais bien d’une stratégie bien définie d’un groupe politique qui n’avait pas hésité à reprendre les inventions de l’acteur quant à la cathédrale souterraine fondée par saint Denis4.

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Lorànt Deutsch, on le sait, ne cesse de crier sur tous les toits qu’il « déteste la manière dont l’extrême droite récupère et instrumentalise [son] travail pour faire parler d’elle. » comme ici au Point, le 14 octobre 2013. Il n’empêche, aucun des journalistes qui le reçoivent ne semble s’interroger sur les raisons qui poussent une partie de cette famille politique à se servir des livres de l’acteur comme porte étendard.

La réponse est pourtant simple et vient des rangs du Front National. Si le parti n’a pas soutenu officiellement Lorànt Deutsch, des militants et des sections locales ne s’en sont pas privés. Ainsi, le compte twitter officiel du FN Charente-Maritime (17) déclare ironiquement que « Lorànt Deutsch aggrave son cas et ose parler de notre identité. » Sans doute cette section a-t-elle apprécié le soutien de l’acteur à la théorie du génocide vendéen5, qu’une proposition de loi du 16 janvier 2013 soutenue par Marion Maréchal-Le Pen visait à faire reconnaître.

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Mais la réaction la plus instructive reste celle de Karim Ouchikh, conseiller de Marine Le Pen à la Culture, à la Francophonie et à la Liberté d’expression6 qui, a travers son compte Twitter, le 14 octobre 2013, plaint un Lorànt Deutsch « encore victime de la détestable pensée unique. »

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Karim Ouchikh est une des rares figures lepénistes à s’exprimer régulièrement sur l’Histoire et à ébaucher un semblant de discours sur la discipline et son enseignement. Ainsi, le 27 décembre 2012, déplorant l’arrêt du projet de Maison de l’Histoire de France initié par Nicolas Sarkozy, écrit-il sur le site officiel du Front National que :

La France a besoin de ressouder nos compatriotes, si désemparés par ces temps de crise, autour d’un roman national fédérateur, d’une histoire qui tourne le dos aux innombrables accès de repentance qui contaminent tant les discours officiels actuels, d’un récit passionné dont le contenu éminent ne se confondrait pas avec les disciplines historiques scientifiques qui doivent être sanctuarisées.

On l’aura compris, dans l’esprit de Karim Ouchikh, les disciplines historiques doivent être sanctuarisées, c’est-à-dire réservées à une petite élite ghettoïsée. Le reste de la population aura, quant à lui, accès un roman national défini comme un « récit passionné » s’opposant (« qui ne se confondrait pas ») avec l’histoire scientifique. Bref, un récit identitaire et passionnel, faisant peu de cas de la nuance scientifique, cher à l’ensemble des historiens de garde, Lorànt Deutsch compris7.

Mais de quel récit parle-t-on ? Karim Ouchikh ne fait pas grand mystère du contenu de ce « récit passionné ». Ainsi, sur le site ripostelaique.com le 19 mars 2012, explique-t-il que :

Si elle veut défendre et faire partager son modèle de civilisation, la France ne fera pas l’économie, ensuite, d’un examen de conscience authentique, ce qui la conduira à discerner et à assumer politiquement les traits profonds de son identité. Chacun devra reconnaître ainsi que le modèle singulier de notre pays repose sur quelques caractères intangibles, encore vivaces, que nul ne saurait lui discuter : un héritage historique indivis qui comporte une dimension chrétienne prééminente ; l’unité sourcilleuse d’un territoire dont la cohérence géographique se conjugue à la diversité de ses terroirs ; le poids déterminant d’un État puissant qui assume pleinement sa fonction régulatrice.

L’Histoire, selon le conseiller de Marine Le Pen, n’est qu’une manière de prôner le retour à une société chrétienne :

En somme, dans la compréhension du modèle de civilisation de la France, – l’« être français » en quelque sorte – l’affirmation de la prééminence de l’identité chrétienne de notre pays me paraît centrale, ce qui n’est en rien inconciliable avec le principe de laïcité qui impose aux pouvoirs publics une obligation de neutralité à l’égard des religions : dès lors, si les religions demeurent égales en droit, d’un point de vue strictement réglementaire, elles ne sauraient l’être en réalité dans l’esprit des Français, au regard de la mémoire de notre pays…

Karim Ouchikh prône ainsi la célébration d’une France par essence chrétienne8. Ce discours n’est pas sans rappeler les propos de nombre d’historiens de garde, de Max Gallo à Lorànt Deutsch, qui affirmait ainsi en juillet 2012 que « la religion est le creuset de notre identité »9.

Si Lorànt Deutsch n’est ni adhérent au Front National ou au Bloc Identitaire, remarquons pour conclure, que ces derniers ne récupèrent pas l’acteur insidieusement, en détournant un propos malencontreux. Ils se reconnaissent au contraire dans son récit mythifié et identitaire d’une France éternelle qui fait avancer, grâce à la complicité ou à la passivité de la très grande majorité des médias audiovisuels, les idées d’une extrême droite décomplexée.

William Blanc et Christophe Naudin

  1. La Nouvelle République, 22 octobre 2013
  2. RTL, 10 octobre 2013
  3. comme par exemple l’équipe d’Ariane Massenet, sur D8, le 11 octobre
  4. Voir « La cathédrale au fond du parking » dans Les Historiens de garde, p. 51-62, notamment p. 59-60.
  5. Voir Les Historiens de garde, p. 75-78.
  6. Rappelons au passage que, pour beaucoup de cadre frontiste, la « liberté d’expression » passe par l’abolition des lois mémorielle, notamment celles concernant la Shoah.
  7. Voir Les Historiens de garde, p. 24-26.
  8. Caractéristique que chaque Français se devrait de reconnaître dans son « esprit » (est-ce à dire que ceux qui ne se reconnaîtraient pas dans ce christianisme historique seraient de mauvais citoyens ?)
  9. Voir Les Historiens de garde, p. 78-83.

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