Chapitre 2 : Lorànt Deutsch, la terreur des révolutions

La Révolution française :

D’où Lorànt Deutsch tire-t-il ses informations sur les poils de moustache d’Henri IV arraché par Robespierre ? Il ne l’a jamais dit à notre connaissance. Quoi qu’il en soit, il est intéressant de voir que Lorànt Deutsch adhère totalement à la théorie du génocide vendéen, théorie lancée par Reynald Secher, intellectuel proche des milieux catholiques ultra (Bernard Anthony, sur son blog, le qualifie d' »ami ») comme le prouve cette interview donnée à l’Internaute le 28 octobre 2009 :

Mais, outre le vocabulaire pour le moins fallacieux, Lorànt Deutsch exagère totalement les chiffres qu’il avance. Il parle en effet « d’un million de mort » alors que même Reynald Secher en comptabilise 117 257 (« blancs » et « bleus » confondus. Notons par ailleurs que la méthode de Secher a été largement remise en cause). Toujours selon le même Secher, les 700 communes touchées par la guerre ne comptabilisent que 815 029 habitants. On peut donc de demander sérieusement où Lorànt Deutsch est allé chercher se chiffre d’un million.

Quant à la comparaison avec la Shoah, Lorànt Deutsch n’a sans doute pas compris qu’un génocide en se distingue pas par sa quantité, mais par ses méthodes et ses objectifs.

La Commune :

D’après Lorànt Deutsch, les communards auraient tenté de détruire la colonne de juillet sur la place de la Bastille avec leurs canons de Montmartre. Nous avions déjà pointé l’incohérence d’un tel propos. Poussé dans ses retranchements, voilà ce que l’acteur avait répondu au Figaro le 11 juillet 2012 :

On m’accuse aussi d’accabler les communards en ayant inventé la canonnade de la Bastille en 1870, poursuit Lorànt Deutsch. Une fois encore, je n’invente rien. Mes sources sont Eugène Hennebert (ndlr: 1826-1896) et Lucien Le Chevalier (ndlr: auteur de «La Commune – 1871-») qui ont écrit des livres d’après des témoignages directs sur les événements. Et qui rappellent précisément cette canonnade. Soit mes détracteurs ne connaissent pas ces auteurs, soit ils font exprès de ne pas les connaître. Car ils répondent eux-mêmes à une histoire instrumentalisée et orientée qui ne veut pas tenir compte de tous les éclairages possibles. Ça s’appelle de l’intolérance 1.

De « l’intolérance ». Bigre ! Nous avons pourtant pris l’acteur au sérieux et sommes allés consulter les ouvrages cités par l’acteur. Or, comme nous l’expliquons dans Les historiens de garde, ni Eugène Hennebert ni Lucien Le Chevalier ne parlent de cette canonnade. La preuve : nous seulement ces ouvrages sont disponibles librement sur internet (sur le site public Gallica) ici pour l’ouvrage d’Hennbert et là pour celui de Le Chevalier, mais en plus, nous vous les mettons librement à disposition avec les liens suivants :

Le Chevalier Lucien, La Commune, 1871, Paris, 1871.

Hennebert Eugène, La Guerre des Communeux, Paris, 1871.

Nous mettons d’ailleurs à la disposition en format image deux extraits de ce dernier ouvrage dans lequel l’auteur, un officier versaillais, exprime publiquement son souhait de voir la colonne de juillet détruite (page 48) et un second où il affirme très clairement que ce sont les batteries versaillaises qui ont tiré sur la place de la Bastille (page 258). Mais, « encore une fois », Lorànt Deutsch n’invente rien.

Page 48 de "La guerre des communeux" d'Eugène Hennebert.
Page 48 de La guerre des communeux d’Eugène Hennebert.

 

Page 258 de "La guerre des communeux" d'Eugène Hennebert
Page 258 de La guerre des communeux d’Eugène Hennebert.

Dernière chose, comment les communards auraient-ils pu tiré sur la place de la Bastille de Montmartre alors qu’au moment où les combats ont lieu sous la colonne de juillet, Montmartre est aux mains de versaillais depuis au moins une pleine journée comme le montre cette carte tirée de l’excellent Atlas des parisiens, réalisé par Jean-Luc Pinol et Maurice Garden et publié chez Parigramme en 2009  ?

Carte des combats de la Commune d'après l'Atlas des parisiens.
Carte des combats de la Commune d’après l’Atlas des parisiens.

A moins de tirer dans leurs propres lignes, impossible.

Mais qu’est-il donc arrivé à la colonne de juillet ? Nous avons exhumé quelques papiers tirés des Archives nationales (que vous aussi, vous pouvez voir. Il suffit de vous rendre au CARAN à Paris, muni d’une pièce d’identité) tiré du carton F 21 757. Nous avons parlé de ce rapport daté du 22 octobre 1871 dans Les historiens de garde, rapport dans lequel un fonctionnaire du gouvernement d’Adophe Thiers explique que les dégâts (daté du 24 mai) ont soit été causés par un engin incendiaire souterrain, soit par des coups de canons provoqués par les combats (et donc certainement par l’artillerie versaillaise si l’on suit Hennebert). Voilà un extrait du rapport photographié par nos soins.

extrait_rapport_22_octobre_1871_basse_reso

Les communards ont donc sans doute tenté d’incendier la colonne en suivant une politique de la terre brûlée (même si la date du 24 mai nous semble étrange, vu que les combats ont eu lieu le 26 sur la place de la Bastille. Erreur du fonctionnaire rédigeant le rapport ?). Il ne s’agit donc pas pour nous de blanchir ou de réhabiliter les communards, mais d’éviter que l’on dise n’importe quoi.

 

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