Chapitre 6 : la nouvelle garde

STÉPHANE BERN

Derrière une image bien lisse, Stéphane Bern n’hésite pas à développer un discours très identitaire quant au rôle qu’il voudrait assigner à l’histoire, comme il l’explique lors d’un entretien croisé au journal le Monde en compagnie d’un autre historien de garde, Franck Ferrand, le 5 novembre 2012 :

Il y a, me semble-t-il, un besoin de s’ancrer dans l’Histoire d’autant plus fort aujourd’hui que nous traversons une crise terrible qui n’est pas seulement économique et sociale mais aussi identitaire. Nous n’avons plus de socle commun, de tissu social et national

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Des propos qui rappellent ceux de Max Gallo dans son livre L’âme de la France (Fayard, 2007) :

La nation est ankylosée par une crise profonde. Elle doute de son identité, et donc, de son avenir. […] Il n’y a, il n’y aura de pain, de paix et de liberté pour les Français que si l’on défend et perpétue l’âme de la France telle que l’histoire l’a façonnée1.

Le discours des historiens de garde est somme toute résumé dans cette citation. Pour résoudre la « crise », il faut revenir à une identité figée justifiée par une histoire figée.

Stephane Bern Max Gallo

On ne s’étonnera donc pas que Stéphane Bern ait soutenu, dans un tweet daté du 6 septembre 2013 (voir image ci-dessus), la proposition de Max Gallo de revenir au roman national, notamment dans les écoles.

Stéphane Bern et Lorànt Deutsch défendent ensemble le livre Le Paris de Céline coécrit par Lorànt Deutsch et Patrick Buisson sur le plateau de "A la bonne heure", sur RTL, le 15 octobre 2012
Stéphane Bern et Lorànt Deutsch défendent ensemble le livre Le Paris de Céline coécrit par Lorànt Deutsch et Patrick Buisson sur le plateau de « A la bonne heure », sur RTL, le 15 octobre 2012

Comme le montre la photo ci-dessus, le même Stéphane Bern n’a pas hésité à se mouiller pour défendre Le Paris de Céline coécrit par Lorànt Deutsch et Patrick Buisson, que Jérôme Garcin a impitoyablement jugé sur le site du Bibliobs, le 26 novembre 2012 :

Nos deux apôtres [P. Buisson et L. Deutsch] réussissent la prouesse inouïe de raconter la vie du génial Céline, depuis le passage Choiseul de son enfance jusqu’au Meudon de sa vieillesse, en passant par le si joli Montmartre, sans mentionner son soutien à l’Allemagne nazie et son antisémitisme hystérique, sans expliquer les raisons de son exil et sa condamnation à l’indignité nationale.

JEAN SÉVILLIA

Le journaliste du Figaro est un habitué des cercles réactionnaires ultra. Preuve en est son interview dans l’Action française de décembre 2011.

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DIMITRI CASALI

Dimitri Casali écrit aujourd’hui sur le site Boulevard Voltaire, fondé par Robert Ménard. Le 6 décembre 2010, c’est sur le très droitier site de Riposte laïque qu’il s’exprimait.

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Le même Dimitri Casali explique dans une interview donnée au site Atlantico.fr le 6 janvier 2013 que seul un « homme providentiel » est à même de résoudre la crise actuelle.

Tout comme à la fin du XVIIIe siècle, la France se retrouve sclérosée et l’immobilisme de notre actuel Président ressemble étrangement au caractère hésitant de Louis XVI, qui n’a somme toute jamais réellement souhaité faire le grand saut nécessaire pour rétablir le pays. Nous sommes donc, en 2013 comme en 1788, coincés entre l’envie d’améliorer la situation et la peur d’un changement radical pourtant nécessaire à cette amélioration. Seul un homme providentiel pourrait débloquer la situation et j’ai hélas bien peur que ce ne soit pas l’actuel dirigeant de la Ve République.

Durant cette interview, jamais les mots de « démocratie » ou de « république » ne seront prononcé par Dimitri Casali. Pour la nouvelle garde du roman national, l’histoire a aussi pour fonction de promouvoir le retour à un pouvoir exécutif fort.

  1. Gallo Max, L’âme de la France, Fayard, 2007, p. 16 et 23.

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